Un affreux Ultimate

Après une tentative d’aéromodélisme à l’age de 15 ans, ou je n’avais jamais réussi à piloter correctement, j’ai repris l’aéromodélisme à l’age de 35 ans en 2002. Je me suis remis en selle avec un Ready de ARC et son suivant aile basse le Jupiter. Bien que j’aie entendu pis que pendre sur ces avions en ABS, ils furent merveilleux et endurants. (j’ai encore un Jupiter)
Jeune pilote j’envisageais un biplan après avoir broyé sur un déclenché involontaire un Cap 231 acheté flambant neuf. Il faut dire que le Cap 231 de Vmar avait la réputation d’être un poil sourcilleux. Je rêvais pourtant d’un Ultimate, pas forcément en accord avec mes capacités de pilotage.

À cette même époque, le découvrais Ebay et sa section aéromodélisme où on trouvait de belles occasions et de moins belles avantageusement prises en photo.
Je craquais et m’échauffais dans une enchère sur un magnifique Ultimate fabrication sur plan et son moteur Enya 46-4C 4 temps, qualifié par le vendeur de très stable en vol.

Évidemment, je remportais une enchère endiablée qui m’avait fait dépasser allègrement le budget que j’imaginais au départ, mais j’avais mon Ultimate. Le colis assez mal fagoté me fut livré fissa, Colissimo s’étant surpassé. L’emballage brinquebalant, fait de bric et de broc augurait un avion peut être pas aussi beau qu’espéré. Une excroissance du carton, semblant faire la place de la dérive était bien aplatie, peut être par la vitesse de livraison de nos amis postiers.

Accepter la livraison ou non, voila la question qui me taraudait devant l’état piteux du colis et les bruits suspects qui s’en échappait à la manipulation. L’envie d’Ultimate fut plus forte que ma crainte et je signais le bordereau au plus grand bonheur du collègue d’Alain Prost, alias mon postier, qui repartit de chez moi dans un hululement de pneumatiques martyrisés.

N’en pouvant plus, j’ouvrais le colis et là l’horreur : la dérive du pas très fier biplan est cassée, le capot est craquelé, sans rapport avec le transport d’ailleurs, comme l’entoilage qui est tout plissé avec des morceaux baladeurs. Le fameux Enya 46 semble très vieillot par rapport aux moteurs OS des copains, les servos sont dépareillés, le profil des ailes semble être un clark y, les ailerons ne sont présents que sur l’aile inférieure. Quelle déception.

L’avion restera 1 mois dans mon atelier avant que je ne me décide à mal réparer la dérive à la cyano et en pétassant l’entoilage avec un morceau de bleu Ultimate récupéré, je ne sais plus où.
Le carburant 4 temps est acheté, ainsi qu’un nouveau soquet court, car ce moteur bizarre à la bougie presque dans l’hélice.

Amené au terrain, l’engin est vite monté, le système de fixation des haubans est simple, et je le saurais plus tard, bien plus pratique et fiable que tous les autres biplans que j’aurai.

Ce moteur bizarre démarrera au premier coup de bâton, il est rageur et ma foi semble tourner plutôt rond

Alignement en bord de piste, test des gouvernes et gaz, l’engin s’envole facilement. Un peu de trim et le voila en l’air stable, rapide, vif, précis, je n’en revenais pas. Je tente quelques figures de voltige, le moteur tire fort, l’avion monte presque à la verticale, La boucle, le tonneau passent sans problèmes et je réussi même du premier coup un renversement, ce qui pour moi était une première. Que vas-t-il donner en vol dos avec son profil plat ? Un coup d’ailerons, l’engin se retourne parfaitement et vole droit sur le dos avec une toute petite correction à pousser, ça alors ! Et pourtant, on m’avait dit que le clark Y n’était pas fait pour le vol dos.

Pour atterrir, on m’avait dit « attention un biplan, c’est compliqué » , il fallait garder le la vitesse, faire attention à un tas de trucs, mais j’avais tout oublié et heureusement, L’engin et moi nous nous étions entendus du premier coup et je posais le biplan à la perfection. Ce n’était pourtant pas de mon habitude, étant abonné aux rebonds divers et variés, râpage de cônes ou zigzags intempestifs.

Après ce premier vol, je trouvais mon biplan presque beau.

Alors évidemment, après l’ascenseur émotionnel provoqué par la découverte de l’engin puis son vol magistral, je l’ai un peu bichonné, tension de l’entoilage, volet de dérive refait, quelques retouches à droite et à gauche l’ont rendu un peu plus présentable, et il devint derechef un des meilleurs avions que j’ai eus.
Il a été mon compagnon de vol pendant des années, j’ai eu un tas d’autres avions qui ont défilés, mais mon fidèle Ultimate était presque toujours dans le coffre.
Sa rapidité de montage, la fiabilité de l’Enya, son caractère joueur, mais sain me permirent de bien progresser en pilotage.
Tous les autres biplans que j’ai eus étaient toujours plus compliqué que lui à monter, moins tolérants ou trop ennuyeux.
Ce fameux moteur Enya 46 était stupéfiant, il démarrait toujours du premier coup, une fois ou deux il est parti rien qu’en branchant la bougie, n’a jamais calé en vol et tirait franchement plus que l’OS 52 que je me suis payé quelque temps après.

Après quelques années de vol, un jour, distrait, j’oubliai de serrer l’aile supérieure. Elle prendra son indépendance en vol et atterrira sans dommages dans un fourré, pendant que moi je m’efforçai de tenir en l’air le nouveau monoplan, dont la charge alaire subitement augmentée et le centrage quelque peu malmené avait été transformé en missile. Mais avec la force de l’Enya, je réussis un attéro presque plein gaz sur la piste qui emportera le train atterrissage, meurtrira un peu l’aile inférieure, mais laissera l’avion facilement réparable (par Denis F) , il revolera quelques jours après avec un entoilage neuf de l’aile inférieure.

Quelques années après, ce fût le tour du moteur qui commença après plusieurs centaines de vols à émettre des bruits de roulements de plus en plus inquiétant, J’ouvrai le moteur, le roulement de l’arbre à came s’était désagrégé, et les autres avaient pas mal de jeu. Je montais le fameux 52 surpass, mais franchement, l’avion était plus que l’ombre de lui-même, il manquait le rugissement et la fougue du 46 Enya, et une panne d’un des servos (vu au test pré-vol des gouvernes, ce qui prouve que c’est pertinent de le faire) me contraindrons à l’abandonner.
Le valeureux biplan restera donc au fond de l’atelier jusqu’à ce qu’un collègue (loulou) me propose de racheter le moteur. Vu les années de service intensif, du biplan que je ne me décidais pas à désarmer je lui proposais de considérer que l’avion était en cadeau avec le moteur.

Epilogue :

Le collègue qui avait récupéré le biplan ne l’a jamais touché, mais l’age venant, décide d’arrêter de voler et me proposa de me le rendre, cela ne faisait pas loin de 10 ans qu’il était chez lui.

J’ai ressorti la boite avec l’Enya, toujours démonté en pièces, et commandé des nouveaux roulements ainsi qu’un échappement qui était parti sur un autre Enya. Le moteur est nettoyé et remonté, à l’essai au banc il fera entendre de la voix dès son premier lancé comme à son habitude, et il tourne rond.

Je l’ai remonté sur sa cellule, changé le fameux servo récalcitrant, mis un coup de fer à entoiler à droite et à gauche et voici enfin l’affreux Ultimate prêt à reprendre l’air, j’ai hâte.

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Qu’est ce que tu as pu en faire des Immelman avec ce tas de bois !..

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Ma figure fétiche :rofl:

Il va pouvoir faire copain copain avec l’Ultimate Graupner.
S’ils font des petits, tu m’en gardes un.

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Les suites de l’affaire :

L’Affreux Ultimate à volé, ce lundi 3 Janvier, 2022 soit pratiquement 10 sans depuis son dernier vol.
Au club de Prat bonrepaux, en Ariège, il faisait un temps de curé, pas un pet de vent et 15° au soleil, un rêve de modéliste.

Évidemment, pour me faire payer les deux décades sans le faire voler, l’engin s’est un peu vengé.

Déjà la veille, au club de Cazères, pour le premier essai, le moteur ne tenait pas la pointe nez en l’air, prudent, je décide de remettre le vol au lendemain et ouvre le réservoir, seule chose que je n’avais pas révisée et j’ai bien fait. La durite du plongeur était retournée et toute durcie.

Mais aujourd’hui, j’ai pu faire un seul long vol de plus de 25 minutes.

Toujours égal à lui même, l’Enya démarrera au premier coup de bâton. Le décollage de la piste en herbe est facile. Gaz ouvert en grand, il file vite, bien qu’un peu moins rapidement que dans mes souvenirs, et heureusement, nous verrons pourquoi par la suite.

Le biplan est toujours aussi sain en vol, je retrouve immédiatement mes sensations. Les trajectoires sont tendues, les gouvernes ont du mordant, mais il reste stable et relativement facile, un vrai plaisir. J’ai du tout de même régler les trims suite au changement de radio, il est passé d’une vénérable Futaba FC18 à une roturière, mais néanmoins efficace Radiomaster. Quand, je dis régler les trims, je devrait dire peaufiner les trims aux petits oignons à cause de la blague que m’avait préparé cet affreux jojo.

En effet le moteur ne s’est pas fait prier pour lâcher son cheval virgule quelques brouettes lorsque j’ai mis plein gaz mais surtout à décider d’y rester, nonobstant la position de mon manche de gaz. Encore le fameux ascenseur émotionnel, il part comme une balle, vole bien et surprise ! Je commence à serrer les fesses, et à stresser sévère.
Les gaz bloqués à fond, c’est une première pour moi, et comme j’ai toujours vu très mal finir les avions avec les gaz bloqués, l’image de l’engin répandu sur la piste me traverse l’esprit. Et puis non, il veut voler, je vais le piloter cet engin de malheur, et advienne que pourra.

Il se passe de longues minutes pendant lesquelles j’essaye de le secouer dans tous les sens pour débloquer un truc, voire le faire caler, mais que néni, le vol dos ne le perturbe pas plus que ça, les figures de voltige classiques, inventées ou loupés non plus car je vous rappelle que j’ai refait le réservoir impeccable. J’essaye un long piqué, imaginant que si le carburant retombe , le plongeur à sec ferait caler le moteur, mais non, le seul qui est à sec, c’est moi, je n’ai plus d’idée pour arrêter cette machine infernale.

Dire qu’au moment de faire le plein, j’arrivais à la fin de ma nourrice et qu’il me semblait que je pouvais en rentrer un peu plus et que j’ai complété le plein avec mon bidon, super idée ! les 300 cc de mon réservoir y sont tous et les tubes finement réglés dans le réservoir ont sans doute pu éliminer toutes les éventuelles bulles d’air sans aucun problème.

L’engin cavale toujours, virevolte tout joyeux alors que je suis seul au terrain avec personne pour prendre le relai. Au bout d’un certains temps, je pense à enclencher le chrono, je me sens moins seul, la radiomaster me parle et égraine les minutes. Une minute, deux minutes…

Puis je vois du coin de l’œil une auto sombre se garer en bout de piste au loin, mais que fait elle là ? C’est juste une promeneuse avec son chien qui ne réponds pas à mes appels, et s’éloigne en laissant sa Fiesta en bout de piste, c’est énorme non ?

Pour moi, c’est pas la fiesta, pas trop habitué à ce terrain, je décide de m’entraîner à faire les approches de l’autre coté, imaginant déjà le fier Ultimate planté dans la porte passager de cette écervelée de Fiesta.

La radiomaster continue d’égrener les minutes, 10 minutes, 12 minutes, 15 minutes, 20 minutes, alors que j’enchaîne les hippodromes agrémentés de quelques boucles, vols dos, renversement, immelmann afin d’essayer de trouver une position ou le moteur aurait un hoquet, mais que dalle, il tourne rond comme d’habitude ce coquin de bourrin.

Vers 22 minutes au timer de la radio que je n’avais pas enclenché au début du vol , et que j’en suis à me demander, si je ne venait pas d’inventer le mouvement perpétuel ou si ce moteur ne fabriquerai pas son propre carburant, celui-ci coupe net.

Généralement, chaque fois qu’un moteur coupe, c’est au mauvais moment, mais pas mon Ultimate à moi. Il est positionné vent arrière, parallèle à la piste, à une hauteur parfaite, prêt à entamer son circuit rectangulaire d’approche. Un quart de tour, comme en écolage, l’avion est perpendiculaire, je peux régler mon altitude et le centrage sur la piste, dernier virage pente nickel, il se pose tout fier comme une fleur, l’engin.

Je suis lessivé et heureux de le voir là, enfin silencieux dans l’herbe et entier.

Le collègue qui devait me rejoindre au terrain arrive à cet instant pendant que la promeneuse au chien en profite pour filer avec sa Fiesta.

L’avantage sera que je n’aurai pas besoin de vider le réservoir cette fois-ci, et je découvrirai au démontage que la chape de gaz pourtant sécurisée par un bout de durite a pris son indépendance, sans doute à cause d’une fin de course mal réglée au servo qui l’aura fait forcer.

Je suis heureux malgré-tout de ce vol fort en émotion, même si le pauvre capot de l’Ultimate s’est pelé avec la vitesse et que la déco de l’aile a pris un peu d’indépendance, étant dans l’axe de l’échappement qui était bien chaud, forcement.

Promis, je vais lui refaire une beauté bientôt et ne le laisserai plus sur une étagère, il adore voler cet engin.

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Den, j’adore tes récits ! :smile:
En plus, avec toi ça se fini toujours bien, tu dois avoir une bonne étoile :star_struck:

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L’avantage, c’est que tu connais maintenant l’autonomie de la bête :joy:

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